vendredi 30 janvier 2009

> Jeudi 29 janvier : un sentiment majoritaire d'injustice sociale

Certaines mauvaises langues diront que les Français aujourd'hui en grève ou dans les manifestations ne sont pas les plus à plaindre. Cherchant ainsi à stigmatiser quelque catégorie soi-disant privilégiées alors que d'autres, au labeur, le seraient moins... C'est véhiculer une bien mauvaise image et prendre le risque d'une très grande incompréhension. Si les intitulés officiels déclinés par les organisations syndicales à l'origine de cette journée de grève et de manifestations sont la défense des salaires, des services publics, des retraites et du pouvoir d'achat, il n'est pas bien difficile néanmoins de comprendre que la véritable grogne exprimée par cette forte journée de mobilisation est surtout la crainte unanime d'une sortie de crise économique qui renforcerait les avantages des plus favorisés en s'appuyant (ce n'est hélas pas nouveau !) sur les bas salaires et des classes moyennes.

Malgré les manipulations médiatiques, personne n'est dupe : si le secteur privé est productif, c'est par ce que le secteur public lui permet de l'être : en maintenant les personnes en bonne santé, en leur offrant la formation et la qualification pour s'adapter aux modalités de travail, en entretenant la sécurité dans le pays, en permettant les déplacements, etc.

Les Français ne sont pas moins intelligents que les habitants des autres pays. Ce n'est pas la peine de (vouloir) leur faire croire que la réalité est très complexe et qu'ils ne pourront pas comprendre. Chacun a bien saisi aujourd'hui que nous sommes dans une situation économique difficile et qu'il faut se serrer les coudes. Simplement, il faut réellement toutes et tous se serrer les coudes et en particulier ceux qui essayent de donner la leçon et de renouveler des explications déjà 1000 fois entendues... Comment admettre que la redevance télé augmente, alors que dans le même temps les élus censés représenter le peuple au Sénat (pour ne citer que la partie émergée de l'iceberg) continuent à bénéficier d'avantages toujours plus importants ? Comment comprendre qu'un secrétaire d'état à la jeunesse et aux sports prévoit de se rendre pendant 10 jours en Polynésie pour "observer" la situation sportive locale, alors que le débat sur le travail le dimanche pour les salariés reste d'actualité ? Comment interpréter les milliards d'euros fournis (par l'État, donc nos impôts) aux banques et aux grandes entreprises, et malgré (grâce à ?) cela une prise d'intérêts continuée pour les actionnaires de ces mêmes banques et entreprises ?...

Aujourd'hui, plus personne n'ignore que la crise profonde dans laquelle nous nous trouvons provient de la spéculation exagérée au royaume de l'argent roi. Le président Sarkozy avait promis, lors de la campagne des dernières présidentielles, de redonner tout son sens et toute sa valeur au travail. Il l'a à nouveau répété il y a quelques jours devant les cadres de "son" parti politique. Or que constatons-nous dans les faits ? La spéculation est encouragée et continue à produire des bénéfices pour ceux qui en vivent déjà plutôt bien, alors que des wagons entiers de licenciements sont annoncés partout sur notre planète. C'est clairement la traduction contraire dans les faits de cette volonté de redonner une valeur au travail.

C'est sans doute cela le message le plus important des manifestations aujourd'hui : cette mise en garde ferme, adressée aux décideurs de notre pays, qui pourraient être tentés de vouloir retourner aux fantasmes chimériques de l'argent facile et de la spéculation. C'est cette nécessité qui est réaffirmée, selon laquelle il faut baser le système économique sur la valeur ajoutée produite par le travail (et donc par les travailleurs, n'ayons pas peur du mot !). Qu'on ne s'y trompe pas : le pouvoir appartient jusque-là à ceux qui détiennent l'argent. Les promesses de réformes du système capitaliste ne sont que des effets d'annonce en période de crise. Seule la pression populaire pourra faire évoluer cet état d'esprit et les tentations de poursuivre sur la lancée d'un système qui a tenu jusque-là. Être en grève et dans la rue aujourd'hui, c'est faire clairement passer le message à nos élus que nous avons droit aux fruits de notre travail. Et pas autre chose !

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