mercredi 30 avril 2008

> Simple éthique ou réglementation des Etats ?

Nous avons tous été plus ou moins touchés, et nous le sommes encore, par cette crise des subprimes, crise tout à fait symptomatique d’une économie débridée et d’un système néocapitaliste qui n’a pour seule règle que celle des marchés ; or le marché de son côté n’est régulé que par l’éclatement de la bulle spéculative. Certains pensent qu’il faut laisser faire, considérant que l’autorégulation des marchés y pourvoira… Mais il n’en est rien, car ce sont bien les interventions des banques centrales, c'est-à-dire l’argent des contribuables, qui finissent par servir d’autorégulateur, en couvrant les pertes d’intérêts privés, ce que certains appellent très justement, la privatisation des bénéfices et la collectivisation des pertes ! Alors quoi faire ?...

On commence à parler d’éthique, de moralisation de l’économie, que celle-ci doit se répandre dans le monde de la finance. Certes un peu de morale donnera bonne conscience aux acteurs, le temps que la crise passe et jusqu’à l’émergence d’une nouvelle bulle spéculative. On voit bien les limites que peut avoir l’éthique dans un système financier qui ne peut se réguler de lui-même. Comment peut il s’auto-corriger dans un tel déséquilibre financier alors même que personne ne semble pouvoir le contrôler ? Comment penser que la simple mise en place d’un cadre éthique dans le monde de la finance peut être suffisante ? Comment un organisme financier ou une entreprise internationale peuvent ils s’en tenir à des valeurs éthiques, si leurs concurrents ne s’en encombrent pas ?

De là à soutenir le concept d'états thaumaturges qui devraient intervenir sur tout, tel n'est pas notre propos. Mais dans la mesure où les acteurs de ces spéculations délirantes (en retournant leurs poches vides) se tournent régulièrement vers les Etats pour qu’ils interviennent, il devient donc nécessaire que ces Etats imposent les règles, plutôt que les subir...

Aux entreprises et aux organismes financiers de proposer leur cadre éthique et aux Politiques de légiférer pour que ce cadre soit respecté, avec cette idée, qu’une économie boursière saine est la contribution nécessaire à la bonne santé de l’économie réelle, telle que celle défendue par les valeurs du vrai libéralisme, c'est-à-dire une économie qui profite à la collectivité par la création de nouvelles richesses et par leur diffusion dans la société.

L’Europe dans sa Constitution aurait pu être le fer de lance, et prévoir cette réglementation, pour éviter ce capitalisme sauvage. Or cette Europe du Traité de Lisbonne n’en à rien fait, bien au contraire : elle prend pour modèle son grand frère Étasuniens ; en effet, par l’article 56 du traité de Lisbonne elle s’interdira toute restriction aux mouvements financiers, et par l’article 48, elle laissera l’opportunité au capital d’aller là ou les conditions lui seront les plus favorables. Le contexte actuel nous montre toutes les conséquences qu’auront ces deux articles.

Le libéralisme économique, comme toute forme de liberté, ne peut fonctionner que s’il est soumis à des règles ; il n’y a pas de liberté s’il n’y a pas de réglementation ; celle-ci devrait permettre de rentrer dans une logique de privatisation des bénéfices, certes et de privatisation des pertes. Ne serait ce pas là, les bases minimum pour permettre l’instauration de l’éthique dans le monde des affaires et mettre les spéculateurs face à leur inconséquence ?

Quelques outils de régulation peuvent être mis en place par l’Europe, comme par exemple le plafonnement des dividendes financiers des actionnaires par des mesures fiscales, qui en revanche favoriseraient l’investissement et la répartition salariale ; mais également par la mise en place d’un principe des taux d’intérêts dédoublés, un taux pour l’investissement et la consommation c'est-à-dire à destination de l’économie productive, et un autre taux destiné, lui, aux organismes financiers , qui se verraient ainsi privés d’une source d’argent bon marché qui ne vise qu’à servir ces schémas purement spéculatifs et contreproductifs.

Tout est question de volonté politique ; le libéralisme oui bien sur, mais encadré et réglementé comme il se doit. Il n’est pas question d’aller vers une forme d’économie planifiée. Il n’est pas question non plus pour les états de jouer les ambulances à chaque crise pour stopper les hémorragies financières d’intérêts privés, mais au contraire de prévoir, en se dotant des outils nécessaires, pour que ces plaies de la finance privée ne soient plus supportées par la collectivité. Être libéral c’est surtout être conscient de la limite des libertés en posant les jalons légaux pour la préserver en veillant à ce que le système reste équilibré et juste.