lundi 19 mai 2008

> Pour une diffusion de l’Etat dans la société.

Liberté, Egalité et Fraternité, sont le triptyque de notre République. Dès que l’un prend le pas sur l’autre, l’édifice se fissure... C’est cet équilibre subtil que doit garantir notre Constitution.

La première constitution (1791) s’appuyait sur les idées libérales issues des courants de pensée des Lumières. Cette première constitution impliquait la séparation des pouvoirs et la décentralisation. Or, petit à petit et insidieusement, au fil des Républiques successives, l’Etat a subtilisé le pouvoir du citoyen lui donnant en contrepartie le mirage de l’égalité. Le citoyen, en se laissant plus ou moins consciemment délester de ses pouvoirs, a, en quelque sorte, accepté d’échanger sa citoyenneté contre un certain bien-être, qui l’entraine vers l’individualisme et le désintérêt de la chose publique. De fait, il a aussi accepté de perdre son statut de Citoyen pour ne devenir qu’un simple administré. Cette perte de liberté au profit de l’égalité, même si elle est un mal dont souffrent beaucoup de démocraties modernes, est d’autant plus marquée en France que nous évoluons dans un système hyper centralisé, héritage direct des Jacobins, qui, à chaque réforme s’ancre de plus en plus dans notre Constitution. Peut être que cet ancrage sera encore plus marqué demain par les modifications voulues par Nicolas Sarkozy.

Voici d’ailleurs quelques mesures qui sont envisagées dans la réforme à venir :

• « Le Président de la République peut prendre la parole devant l’Assemblée National. Cette prise de parole peut donner lieu à un débat, et non à un vote. »
Quid de la séparation des pouvoirs ? C’est une des réforme qui va à contresens, car cette précaution des constitutionalistes avait du bon sens, puisqu'elle résultait de la volonté d’empêcher un président influent (par exemple un hyper président) de tenter de manœuvrer l’ensemble des députés ou sénateurs.

• « Les candidats à la présidentielle seront sélectionnés non plus par parrainage mais sur un collège de 100 000 élus. »
Cela signifie que pour pouvoir se présenter à la présidentielle, il faudra passer par des réseaux. Donc, un citoyen qui n’a pas d’appuis politiques, ou capable de s’assurer d’un réseau d’élus, ne peut envisager une candidature. Ceci ne peut que limiter l’émergence de nouvelle tendance, donc moins de pluralisme. D'ailleurs, qui vont être ces "supers élus" ?…

• « Sauf cas de désynchronisation des calendriers, organiser le premier tour des élections législatives le jour du second tour de l'élection présidentielle. »
Ceci apparait quasiment être un coup d’état. Car quel électeur logique avec lui même votera d'un côté pour un président bleu et de l'autre pour un député orange ou rose ou vert ?... Cette concomitance des élections nuit au pluralisme et à la représentation… On peut s'interroger sur une inversion "complète" du calendrier actuel (législatives précédant la présidentielle). Mais pas question d'un 1er tour de l'une le jour de second pour l'autre...

• « Part de proportionnelle pour assurer une représentation à l’Assemblée Nationale des petits partis qui auront plus de 5% des suffrages. »
20 à 30 sièges sur 577, voilà une vision du pluralisme bien limitée… Une proposition "pour l'affichage" et visant à empêcher quasiment toute possibilité d'une groupe parlementaire supplémentaire... On ne peut plus démagogique...

Ce projet de réforme constitutionnelle apparait comme un nouveau leurre. Celui-ci n’autorise pas une expression plus satisfaisant du pluralisme, ni une représentation réelle des citoyens, alors même que celle-ci fait partie des attentes des Français. Enfin, elle ne garantira pas plus la séparation des pouvoirs. Elle ne donnera au contraire que plus de pouvoir aux plus forts. En obligeant les "petits" partis à l’allégeance ou à l ‘inexistence ? Elle renforcera le rôle du Président et le pouvoir de l’Exécutif qui ont déjà un pouvoir exorbitant sur le corps législatif. Certes un parti se disant centriste, et cherchant son nom..., envisage de faire bonne figure en défendant la proportionnelle, mais il le fait à reculons tout en déclarant que même si l’amendement est rejeté, ils voteront quand même la réforme pour ne pas froisser leurs "amis de la majorité"... Voilà bien l’exemple le plus flagrant du rôle laissé aux petits partis, un simple facteur d’ajustement électoraliste…

La solution ne peut que passer par une réforme bien plus profonde de notre Constitution. Celle-ci doit reprendre les bases de la démocratie à savoir ; la représentation équilibrées des courants, la séparation des pouvoirs, l’instauration de contrepouvoirs efficaces, et surtout une déconcentration et/ou une décentralisation par le développement des "corps" intermédiaires (syndicats, mutuelles, associations…) qui impliquent les citoyens.

En clair, une constitution qui permette à l’Etat de diffuser dans la société et non l’inverse...

Aucun commentaire: